





La catastrophe ultraviolette
Animation 3D, 15:21 min., 2025
Animation et montage : Julie Tremble
Conception sonore : Rehab Hazgui
Colorisation : Guillaume Millet
Il y a un peu plus de cent ans, notre compréhension de la nature et de l’univers fut bouleversée par la découverte de la physique quantique qui succéda à la physique newtonienne appliquée depuis le 17e siècle. Cette révolution scientifique repose notamment sur la quantification de l’énergie1 et sur le fait que les particules élémentaires2 qui composent la matière sont à la fois ondes et corpuscules. Il est aujourd’hui démontré que ces particules existent sous forme de champs quantiques, des vecteurs de potentialités qui fluctuent dans l’ensemble de l’univers. La catastrophe ultraviolette3 porte sur ce caractère virtuel de la matière. Elle illustre également que, bien que cette dernière nous apparaisse pleine, stable et délimitée à l’échelle macroscopique, elle se présente comme presque vide, en mouvement et continue à l’échelle quantique. Conçue d’abord comme une installation à trois canaux, l’oeuvre existe également en version monobande.
L’installation s’inspire d’une expérience récente menée à l’Institut de Science et d’Ingénierie Supramoléculaires de Strasbourg où je fus accueillie à l’automne 2023 pour une résidence de recherche. L’expérience consiste à modifier les propriétés d’une molécule en la couplant avec une particule de lumière. Pour ce faire, on emprisonne ces dernières entre deux miroirs dont la distance est finement réglée. Répercuté entre les deux surfaces réfléchissantes, le photon entre en résonance avec la molécule. Celle-ci acquière ainsi un nouvel état lumière-matière qui engendre la transformation de certaines de ses caractéristiques4. À partir de l’image des miroirs, du concept d’état lumière-matière et des propriétés de la matière à l’échelle quantique, j’ai élaboré une science-fiction expérimentale et contemplative dans laquelle deux gigantesques miroirs se forment dans l’espace et engendrent des dérèglements dans la matière terrestre.
Sur les trois écrans de l’installation, un paysage inspiré du Nord du Québec est examiné simultanément aux échelles macroscopique et quantique. De très larges travellings sont juxtaposés à des plans rapprochés de végétation, de rochers et d'eau. Des jeux d'ombre et de lumière, des reflets d'eau et de lents mouvements hypnotiques suggèrent que la matière est à la fois ondes et corpuscules en mouvement continu. Parmi les plans de nature émergent des représentations formelles et abstraites de champs quantiques et d’atomes. On passe ainsi d’images réalistes montrant un paysage naturel de plusieurs centaines de kilomètres carrés à des séquences formelles évoquant les plus petites particules existant dans l’univers.
Graduellement, réalisme et abstraction fusionnent pour former des environnements hallucinés où les processus quantiques se jouent à l’échelle macroscopique. Agités d’effets visuels traduisant des formes d’hybridités entre lumière et matière, les végétaux et minéraux perdent leur cohésion et leur stabilité. Dédoublements, spectre lumineux et frétillements électroniques se transmettent d’un écran à l’autre et dématérialisent le paysage numérique.
La trame sonore multicanale et immersive est réalisée par la compositrice et écologiste sonore Rehab Hazgui. Sa composition explore la possibilité de fusionner l’aléatoire quantique avec la musique, un intérêt né de sa fascination de longue date pour l’utilisation de l’imperfection et du hasard dans la création musicale. En utilisant l’aléatoire quantique, Rehab Hazgui manipule le spectre de fréquence de Fourier pour révéler des motifs cachés dans les variations timbrales des sons et explorer de nouvelles dimensions dans la composition musicale, cherchant à révéler des motifs cachés dans les variations timbrales des sons, une approche qui peut altérer notre compréhension et notre perception de la musique.
1 C’est-à-dire le fait que l’énergie se dégage de manière discontinue, par paliers qu’on nomme quantas, et non pas de manière continue.
2 Les particules qui composent les atomes et tout ce qui existe, par exemple les photons, électrons, quarks.
3 Cette expression qualifie l’expérience qui, en contradiction à la physique classique, a mené à la définition par Max Planck des quantas, puis de la physique quantique.
4 Cette expérience repose sur le phénomène de Vibrational Strong Coupling.
Remerciements
Emilie Werner, Maciej Piejko, conseillère et conseiller scientifiques.
Jean-Pierre Aubé, Ariane de Blois, Claudia Bonfio, Christine Boudreau, Philippe Hamelin, Joseph Moran, Ariane Plante, Giulio Ragazzon.
Ce projet est réalisé grâce au soutien financier du Conseil des arts et des lettres du Québec de même qu’au soutien et à la confiance de Plein Sud.
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The
Ultraviolet Catastrophe
3D animation, 15:21 min., 2025
Animation, Editing: Julie Tremble
Sound Design: Rehab Hazgui
Colorization: Guillaume Millet
A little over a hundred years ago, our understanding of nature and the universe was revolutionized by the discovery of quantum physics. This new approach to physics succeeded Newtonian physics, which had been used since the seventeenth century. This scientific revolution was based, in particular, on the quantification of energy1and on the fact that the elementary particles2 that make up matter are at once waves and corpuscles. It has since been demonstrated that these particles exist in the form of quantum fields, vectors of potentialities that fluctuate throughout the universe. The Ultraviolet Catastrophe3 focuses on this virtual nature of matter and illustrates that although matter appears full, stable, and delimited on a macroscopic scale, on a quantum scale it is nearly empty, always in motion, and continuous. The work exists both as a three-channel installation and a single-channel video.
The installation is inspired by a recent experiment conducted at the Institute of Supramolecular Science and Engineering in Strasbourg, which hosted me for a research residency in the fall of 2023. This experiment consisted of modifying a molecule’s properties by coupling it with a particle of light. To achieve this, both particles are sequestered between two mirrors, the distance between which is finely adjusted. Oscillating between the two reflecting surfaces, the photon resonates with the molecule. The latter thus acquires a new light-matter state that activates a transformation of some of its characteristics4 . Drawingon the imagery of mirrors, the concept of the light-matter state, and the properties of matter on the quantum scale, I have developed an experimental, contemplative science fiction in which two gigantic mirrors appear in space and generate disturbances in terrestrial matter.
On the installation’s three screens, a landscape inspired by northern Quebec is examined simultaneously at both the macroscopic and quantum scales. Very wide travelling shots are juxtaposed with close-ups of vegetation, rocks, and water. The interplay of light and shadow, water reflections, and slow, hypnotic movements lend the impression that matter is comprised of waves and particles in continuous motion. Out of these nature sequences emerge representations, formal and abstract, of atoms and quantum fields. We thus move from realistic images depicting a natural landscape encompassing several hundred square kilometres to formal sequences evoking the universe’s smallest particles.
Gradually, realism and abstraction fuse to form hallucinatory environments in which quantum processes play out on a macroscopic scale. Agitated by visual effects that translate forms of hybridity between light and matter, plants and minerals lose their cohesion and stability. Propagatory doublings, light spectra, and electronic tremors transit from one screen to the next, dematerializing the digital landscape.
The immersive, multi-channel soundtrack is the work of composer and sound ecologist Rehab Hazgui. Hazgui’s composition explores the possibility of merging quantum randomness with music, an interest born of a longstanding fascination with the uses of imperfection and chance in musical creation. Using quantum randomness, Hazgui manipulates the Fourier frequency spectrum to reveal patterns hidden within the timbral variations in sounds and to explore new dimensions in musical composition.
1 Energy is released discontinuously, in stages called quanta, rather than continuously.
2 The particles that make up atoms and everything that exists: for example, photons, electrons, and quarks.
3 This expression refers to the experiment that, in opposition to classical physics, led to Max Planck’s definition of quanta and, ultimately, of quantum physics.
4 This experiment was based on the phenomenon of vibrational strong coupling.
Acknowledgments
Emilie Werner, Maciej Pienko, scientific advisors.
Jean-Pierre Aubé, Ariane De Blois, Claudia Bonfio, Christine Boudreau, Philippe Hamelin, Joseph Moran, Ariane Plante, Giulio Ragazzon.
This project is made possible thanks to the financial support of the Conseil des arts et des lettres du Québec as well as the support and trust of Plein sud.






Vue d'installation à Plein sud / Installation View at Plein sud. Photo : Guy L’Heureux, 2025