Vues d'installation, Dazibao, 2022-2023. Crédit photo : Document original.


Abiogenèse : des étoiles aux momies

Installation animation 3D


Juxtaposant réalisme cinématographique et science-fiction, Julie Tremble propose un corpus fascinant d'images entièrement générées par ordinateur. Des représentations saturées, extrêmement détaillées, plus vraies que vraies, de paysages planétaires ou célestes qui scrutent la nature de la composition élémentaire et son rôle dans la création de toute matière — vivante ou non — dans l’univers. S’appuyant à la base sur des données scientifiques, l’artiste propose une réflexion philosophique sur la vie et le devenir du genre humain en explorant différentes perspectives qui en appellent tout autant à la raison qu’à une spéculative projection technologique. Un portrait vidéo de l’actrice Luce Guilbeault — figure iconique du cinéma québécois et du féminisme de la fin du XXe siècle, décédée prématurément à l’âge de 56 ans — dépeint celle-ci âgée des 127 ans qu’elle aurait aujourd’hui. Dans un monologue introspectif, l’actrice imaginée par Tremble, et ici merveilleusement interprétée par Sylvie Moreau, revisite sa vie et témoigne de moments significatifs de l’histoire des femmes, de ses questionnements quant à la représentation, en plus d’incarner un hypothétique avenir pour les humains. Un futur fait d’avancées scientifiques et technologiques qui forcent une redéfinition de nombre d’enjeux éthiques, politiques et sociaux.

Avec ce projet, Tremble propose une expérience virtuelle qui permet d’envisager un futur au-delà de la Terre, une sorte d’équivalence à la vie après la mort. Elle fait de l’espace sidéral un lieu pour créer des liens entre le microcosme et le macrocosme. En mettant en scène de manière synthétique l’apparition de la vie sur Terre, l’artiste questionne notre humanité, nos aspirations et nos quêtes. Sous des dehors futuristes, c’est notre présent que Tremble examine. Cette position précaire dans laquelle se trouve l’humanité où des décisions délicates, souvent irréversibles, sont à prendre quant à ce que les humains choisiront de privilégier, au profit de quoi et de qui.

Si l’humanité parvient à renverser la tendance naturelle d'un système à dégénérer et à mourir après maturité, quel est son devenir? Différentes alternatives philosophiques abordent ces questions, le transhumanisme, tout en adhérant aux valeurs de l’humanisme, reconnait et anticipe les changements radicaux de la nature et les nouvelles formes de vies induites par la science et la technologie. Le posthumanisme pousse plus loin encore et suggère un futur posthumain, sorte de finalité d’une évolution artificiellement perpétrée que certain·es prolongent même vers le concept de singularité technologique, où, définitivement, de nouvelles espèces intelligentes supplanteraient l’humanité.

Ce sont de beaux paradoxes existentiels que soulève Julie Tremble. Et l’on peut se demander si les avancées technologiques, l’exploration spatiale, la réduction des matières vivantes, ou non, à leur composition selon les éléments du tableau périodique, ne répondent pas plus à une ultime lutte contre les limitations de la vie qu’à une évolution de société, scientifique ou pas.

Texte : France Choinière



Abiogenesis: From Stars to Mummies

Installation 3D animation


Juxtaposing cinematic realism and science fiction, Julie Tremble puts forth a fascinating corpus of entirely computer-generated images. Saturated, extremely detailed, realer-than-real representations of planetary or celestial landscapes examine the nature of elemental composition and its role in the creation of all matter in the universe. Rooted in scientific knowledge, the artist proposes a philosophical reflection on life and the future of humankind, exploring different perspectives appealing as much to reason as to technological speculation. A video portrait of actress Luce Guilbeault — an iconic figure of Québec cinema and late 20th-century feminism, who died prematurely at the age of 56 — depicts her at the age of 127, as she would be today. In an introspective monologue, the actress imagined by Tremble, with a superb voice-over by Sylvie Moreau, revisits her life and significant moments in women's history, questioning representation and embodying a hypothetical future for humans — a future confected from scientific and technological advancements that forcefully redefine numerous ethical, political and social issues.

With this project, Tremble proposes a virtual experience that enables us to visualize a future beyond Earth, a sort of life after death. Out of sidereal space, she lays out a site for links between the microcosm and the macrocosm. By staging a synthetic appearance of life on Earth, the artist questions our humanity, aspirations and quests. Under the veneer of futurism, Tremble examines the present — this precarious moment in which humanity finds itself, in which difficult, often irreversible decisions shall be made in function of what humans identify as priorities, for the benefit of what and of whom.

If humanity succeeds in reversing the natural degeneration of systems and death after maturity, what might the future hold? Different philosophical alternatives address these questions. Transhumanism, while adhering to the values of humanism, recognizes and anticipates radical changes in nature and new forms of life brought forth by science and technology. Posthumanism pushes even further and suggests a posthuman future, a kind of endgame of artificially perpetuated evolution that some even conceptualize as technological singularity, where a new intelligent species would permanently supplant humans.

Such are the wonderful existential paradoxes evoked by Julie Tremble. One might wonder if technological advancements, space exploration, and the reduction of living or non-living matter to their composition as elements from the periodic table, do not speak more to a struggle against life’s limitations than to society’s evolution, be it scientific or otherwise.


Text: France Choinière



Animations


Tableau I — Coatlicue (diptyque), 5 min., (boucle/loop), 2022




Bien que non officiel, Coatlicue est le nom de l'étoile considérée par certain·es astrophysicien·nes comme ayant, lors de son explosion, initié la création du système solaire. Dans la première des deux animations, Tremble dépeint la durée de vie hypothétique de cette étoile : du moment où elle s'allume jusqu’au moment où elle explose. Jouant sur le caractère inconcevable de son étendue, sur le fait que l'étoile est en fait une concentration de matière gazeuse dans un ensemble de gaz, la seconde animation illustre le paysage intérieur de Coatlicue, c'est-à-dire son activité nucléaire, à partir d'images spectrales des éléments dont l'étoile est composée, comme l’hydrogène et le fer.

Unofficially, Coatlicue is the name of the star considered by some astrophysicists to have, upon its explosion, initiated the solar system’s creation. In the first of two animations, Tremble depicts the hypothetical lifespan of this star, from the moment it ignites to the moment it explodes. Playing on the mind-bending inconceivability of its scale, how in fact the star is a concentration of gaseous matter within an ensemble of gases, the second animation illustrates Coatlicue’s inner landscape, meaning its nuclear activity, made from spectra images of elements from which the star is composed, such as hydrogen and iron.


Tableau II — Grande Oxydation, 12 min., 2022




Sorte de préquelle à la vie telle que nous la connaissons aujourd'hui, cette animation dépeint une époque, il y a 3,5 milliards d’années, où l’air n’était pas encore respirable et où le Soleil était plus petit et moins chaud. Sous un ciel chaud et brumeux, des stromatolites ont commencé à se développer, émergeant des eaux peu profondes qui recouvrent alors la majeure partie de la planète. Ces formations minérales sont générées par des cyanobactéries, le plus ancien organisme vivant de la Terre, également responsable pour la prolifération de l'oxygène qui a finalement donné naissance à une atmosphère vivable.

Somewhat of a prequel for life as we know it, this animation depicts a time 3.5 billion years ago when the air was not yet breathable and the Sun was smaller and less hot. Under a hazy yellow sky, stromatolites have begun to grow, rising out of the shallow water covering most of the planet. These mineral formations are generated by cyanobacteria, the Earth’s oldest living organism, also responsible for the oxygen that eventually gave way to a liveable atmosphere.


Tableau III — Fossiles, 14 min., 2022




Évoquant le passage du temps au fil des millénaires et la transformation de la vie en fossile, des squelettes d’animaux et des coquillages tournoient comme s’ils étaient exposés dans un musée sans âge et sans lieu.

Evoking the passage of time over millennia and the transformation of life into fossil, animal skeletons and shells revolve as though on display in an ageless, placeless museum.


Animation, editing: Julie Tremble
Sound design: Bruno Pucella
Colorization: Guillaume Millet


Luce RTX3090 (excerpt),   11 min. 11 sec., 2022




Dans la vidéo dystopique Luce RTX3090, Tremble déplace ses réflexions sur le temps, la vie et l'être vers des questions sociales cruciales telles que l'économie et la souveraineté du corps. Cette fiction spéculative se passe en 2062. Une reconstitution numérique de l’emblématique actrice québécoise Luce Guilbeault à 127 ans (en réalité, Luce Guilbeault est décédée en 1991 d'un cancer). Elle raconte comment, afin d'augmenter la productivité de la main-d'œuvre, chaque personne sur la planète subit désormais un traitement antiâge obligatoire qui maintient le corps dans le même état que si celui-ci avait 25 ans. Mais, afin de contrôler la surpopulation, à 65 ans, le corps devient poussière. Dans le même monologue introspectif, Guilbeault envisage également comment sa vie d'actrice, capturée sur pellicule, contribuera à sa propre immortalité.

In Luce RTX3090, Tremble shifts her reflections on time, life, and being to contemplate some of today’s critical social issues such as economics and sovereignty over one’s body. This speculative fiction is situated in 2062. A digital rendering of the iconic Québec actress Luce Guilbeault is 127 years old (in reality Luce Guilbeault died in 1991 from cancer). She chronicles how in order to increase workforce productivity every person on the planet now undergoes a mandatory anti-aging treatment that maintains the body as though they are 25 years old. But, in order to control overpopulation, at 65 years old, their bodies turn to dust. Within the same introspective monologue, she also considers how her life as an actress, captured on film, will contribute to her own immortality.

Voice-over: Sylvie Moreau
Script consultants : Markita Boies, France Choinière
Sound recording: Émilie Blaise
Sound design: Bruno Pucella
Colorization: Guillaume Millet


Les animations présentées ont été réalisées grâce au soutien du Conseil des arts du Canada, du Conseil des arts et des lettres du Québec et de PRIM.

The animations were produced with the support of the Canada Council for the Arts, the Conseil des arts et des lettres du Québec, and PRIM.


Presse :
Abiogenèse: des étoiles aux momies»: la fiction du réel
Par Nicolas Mavrikakis
Le Devoir, 7 janvier 2023

Young and Old Forever.
Montreal artist Julie Tremble enfolds us in digital antediluvian blanket.

Par Edwin Janzen
Galleries West, November 24, 2022



Contact

oh @ julietremble . com
vimeo.com/julietremble


En cours / Currently
Les planètes spectrales
Studio Telus du Grand Théâtre de Québec
26 mai - 21 septembre 2025

Abiogenèse : des étoiles aux fossiles
La Maison des artistes visuels francophones, Winnipeg
Exposition : 22 mai - 5 juillet 2025


À venir / Upcoming
Hors contexte parfait — Úr fullkomnu samhengi
The Factory, Hjalteyri, Islande
En partenariat avec Dazibao
Exposition : 3 juillet - 28 août 2025


Récemment /
Recently 

La catastrophe ultraviolette
Plein Sud art actuel, Longueuil
Exposition : 18 janvier - 29 mars 2025

Mariage funeste
Musée des beaux-arts de Saint-Hilaire
18 janvier - 23 février 2025

Explosion no 6
Programme AfterShock
Groupe Intervention Vidéo et A/CA.
Commissaires : Lorna Boschman et Sebnem Ozpeta.
Projection : 6 novembre 2024, Montréal
Bio

Julie Tremble est une artiste de la vidéo et de l’animation. Nourrie par le cinéma, les sciences naturelles, la littérature et la philosophie, elle s’intéresse aux constituants de l'univers, aux états de la matière et à leurs représentations. En mettant en scène des théories et enquêtes scientifiques, elle produit des science-fiction expérimentales, contemplatives et hallucinées.

Julie Tremble détient une maîtrise en études cinématographiques de l’Université de Montréal (2005) ainsi qu’un baccalauréat combinant cinéma et philosophie (2000). Son travail a été présenté au Canada et à l’international, dans des centres d’art parmi lesquels : le Museum Ludwig (Budapest), Dazibao, la Fonderie Darling et la Galerie Joyce Yahouda (Montréal), STUDIOTELUS du Grand Théâtre de Québec et VU (Québec), la Galerie d’art Foreman et Sporobole (Sherbrooke) ainsi que lors de différents festivals dont le Mirage Festival (Lyon), Mapping (Genève) le Festival du nouveau cinéma et le Festival international du film sur l’art (Montréal), Images Festival (Toronto), la triennale Espace [IM] Média (Sherbrooke) et ARKIPEL – Jakarta International Documentary and Experimental Film Festival. En 2013, elle reçoit le prix du CALQ pour la meilleure oeuvre d’art et d’expérimentation.

Elle a également présenté son travail lors des conférences internationales multidisciplinaires : rencontre biennale de l’International Society for the History Philosophy and Social Studies of Biology (Université de Toronto) et Origine de la vie, discours et représentation (Acfas, Université de Montréal). En 2023, elle a été accueillie en résidence de recherche à l'Institut de science et ingénierie supramoléculaires de Strasbourg (ISIS).





Bio

Julie Tremble is a video and animation artist. Nourished among other things by cinema, natural sciences, literature and philosophy, it is interested in the constituents of the universe, the states of matter and their representations.
By staging scientific theories and investigations, she produces experimental, contemplative, and hallucinatory science fiction.



Julie Tremble holds a Master's degree in Film Studies from the Université de Montréal (2005) and a Bachelor's degree combining cinema and philosophy (2000). Her work has been presented in Canada and internationally, in art centers including the Museum Ludwig (Budapest), Dazibao, the Darling Foundry and the Joyce Yahouda Gallery (Montreal), STUDIOTELUS at the Grand Théâtre de Québec and VU (Quebec City), the Foreman Art Gallery and Sporobole (Sherbrooke), as well as at various festivals including the Mirage Festival (Lyon), Mapping (Geneva), the Festival du nouveau cinéma and the International Festival of Films on Art (Montreal), Images Festival (Toronto), the Espace [IM] Média triennial (Sherbrooke), and ARKIPEL – Jakarta International Documentary and Experimental Film Festival. In 2013, she received the CALQ Award for Best Art and Experimental Work. 

She also presented her work at international multidisciplinary conferences: the biennal meeting of  The International Society for the History, Philosophy, and Social Studies of Biology (ISHPSSB) (University of Toronto) and Origin of Life, Discourse and Representation (Acfas, University of Montreal). In 2023, she was hosted for a  research residency at the Institute of Supramolecular Science and Engineering in Strasbourg (ISIS).